TRIPTYQUE FILMS

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Pompéi (nouvelle collection)

Mise en scène & montage : Guillaume Massart 
Son : Arnaud Lanusse 
2009 - 6'03 - 16/9 - HD

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Un visiteur du futur fouille les vestiges de notre société contemporaine, tel un archéologue les ruines de Pompéi.




Entretien avec Guillaume Massart
D'où viennent les matériaux de ce film ?
Les photographies ont été prises un soir de 2005, à Nantes. Il y avait une atmosphère étrange, comme un parfum d'apocalypse. Les rues étaient complètement vides, comme le sont souvent les quartiers commerciaux après la fermeture des magasins. Ne restaient que les mannequins dans les vitrines allumées, étranges vigies, laides, parfois mutilées. J'étais dans ce quartier pour photographier ces trois statues qu'on voit dans le film et qui me fascinaient, parce qu'on avait l'impression qu'elles dansaient en l'air.

Tout cet univers m'a immédiatement évoqué Pompéi : ces corps inanimés exposés dans la rue, et puis ces Converse qui cramaient dans une vitrine, cette étrange installation holographique... La fiction, immédiatement, s'imposait. J'ai donc passé ma nuit à photographier, en m'imaginant archéologue du futur marchant dans un Pompéi moderne. Je savais déjà - avec La Jetée de Marker en tête, évidemment, on ne peut pas faire un film comme celui-ci sans y songer - que ces photographies seraient les plans du film. C'était une évidence esthétique qu'il ne fallait pas filmer. Il fallait restituer ce musée morbide dans sa fixité. Et pourtant, le film ne s'est pas fait : il est resté quatre ans dans mes tiroirs sans que jamais je ne parvienne à le monter.

Quand Nicole Brenez m'a contacté, j'avais un mois pour répondre à la commande, qui autorisait une grande liberté : il y avait urgence, il fallait agir vite, la situation l'exigeait. Je revenais des Ardennes où je venais de finir un film sur des ouvriers confrontés à la désindustrialisation, Les Dragons n'existent pas. J'ai d'abord pensé repartir dans les Ardennes, pour filmer le commissariat de la petite ville de Givet, ses locaux neufs isolés au milieu d'une cité EDF très Desperate Housewives. Mais je ne trouvais pas vraiment d'angle.

J'ai alors cherché dans les chutes d'images et de sons des Dragons, s'il n'y avait pas un court-métrage caché dans tout ça, que je n'aurais pas encore monté. Et j'y ai trouvé le son de Pompéi (nouvelle collection) : des enregistrements des coulisses d'une vente aux enchères dans une usine fermée depuis deux ans, l'usine Thomé-Génot de Nouzonville, en décembre 2008.

Pompéi, auquel je ne repensais plus, m'est revenu immédiatement : lorsque nous avions visité l'usine, tout y était resté figé depuis la fermeture, les ateliers, les machines... On trouvait même les reliefs des derniers repas des ouvriers dans les vestiaires... Et ce film qui restait dans mes tiroirs depuis quatre ans, qui était tourné, partiellement écrit et que je n'arrivais pas à monter, je voyais soudain comment l'achever.

Au départ, il y a quatre ans, quand j'imaginais le film, j'avais d'abord envie d'une voix off. Et puis l'idée des sous-titres est venue progressivement, je trouvais notamment que ça permettait de conserver la dimension épistolaire, d'y être plus fidèle. J'avais eu l'idée d'enregistrer dans une galerie commerciale, le brouhaha. Mais c'était une solution simpliste, qui se mordait un peu la queue et quelque part annulait un peu la métaphore, en la surlignant. Avec ces voix d'ouvriers, ces histoires de livraisons, il me semble que je vais «d'un bout à l'autre de la chaîne».


Et les citations de Pline Le Jeune ?
Je me suis lancé dans des recherches sur Pompéi dès 2005, dans la foulée des prises de vues. Le lendemain, je suis tombé sur des lettres de Pline Le Jeune dans la bibliothèque municipale de Nantes. Je tenais l'histoire du film, pour que cela ne soit pas une simple déambulation désenchantée. Il fallait contrebalancer le côté désincarné des mannequins par de l'humain.

L'idée de ce parallèle entre Pompéi et aujourd'hui, c'était d'imaginer le point de vue d'un visiteur du futur qui découvrirait les décombres de notre société. Il verrait les reliefs de notre société de consommation. Une forme d'archéologie du futur. Mais je ne voulais pas d'une exploration clinique : l'histoire de ce jeune homme qui cherche son père dans les ruines de la civilisation apportait une dramaturgie, de l'espoir, du cœur, de l'émotion. Du suspense, peut-être.


Le projet est collectif, mais la démarche n'est pas spontanée: vous avez été sollicité. Auriez-vous pu réaliser ce film sans une impulsion extérieure?
Non. Cette impulsion était nécessaire. Sans cela, on n'aurait pas eu l'idée ni même la possibilité de travailler ensemble à un même projet, cinéastes reconnus et cinéastes confidentiels.

J'ignore si cela préfigure un retour du cinéma politique comme dans les années 70, si d'autres collectifs naîtront dans la foulée avec l'envie de réaliser d'autres films, en écho, en réponse, ou même en réaction à ceux-ci - dont on peut évidemment discuter, qui ne sont pas là pour être aimables. Toujours est-il que la démarche démontre que l'urgence permet l'action.

J'ai en tête un autre exemple récent, 100 JOURS. Cent documentaires courts à suivre tous les jours sur Internet, pendant les cent jours précédant la dernière présidentielle, et dont sont sortis quelques très beaux films, 66% de Camille Fougère, par exemple.


Un film du collectif qui vous ait plu ?
Les films que je préfère sont ceux qui ont emprunté des chemins de traverse, qui ont décidé de ne pas aborder directement le cas de Joachim Gatti mais ont préféré élargir le champ, répondre à la commande par une vraie proposition de cinéma. Je pense à Pierre Léon, à Marc Hurtado, à Sylvain George…

Le film sur Gandhi, Satyagraha, de Jacques Perconte, se démarque, par exemple. Parce qu'il s'est écarté de toute facilité de commande, ne serait-ce que pour cela, pour son projet esthétique et son mystère. Et puis, maintenant que les films vont circuler sur le net, j’imagine bien les internautes se demandant si leur connexion ne buggue pas…



Propos originellement recueillis par Ludovic Lamant
et retranscrits par Pierre Lascar, pour Mediapart.


Pompéi (nouvelle collection) est un des 45 fragments du film collectif OUTRAGE&REBELLION, réunissant autant d’auteurs (cinéastes, vidéastes, plasticiens, chanteurs, écrivains, graphistes) plus ou moins connus (Jean-Marie Straub, Philippe Garrel, Pierre Léon, Ange Leccia, Jacques Perconte...), pour donner une suite en images aux événements de Montreuil en juillet 2009, où un jeune cinéaste, Joachim Gatti, perdit un œil sous les tirs de flashball de la police française.

CARRIÈRE EN FESTIVALS :

Filmske Mutacije 2009 - Zagreb

Bobines Sociales 2010 - Paris

Hors-Cases 2010 - Aix-en-Provence

Beaux Arts - Paris

Silver Spring Experimental Film Festival 2010 - Takoma Park - USA

AlCine ShortLatino 2010 - Madrid - Espagne